L'esprit de Dieu m'a créé, Et le souffle du Tout Puissant m'anime. † La sensation de chute est encore vivace dans le creux de sa mémoire. Tomber, c'est comme rejoindre l'inévitable fatalité. Dégringoler sans n'avoir de prise pour se raccrocher. Déchoir, corps et âme à la fois. Voilà une douleur qu'il aurait bien voulu faire cesser, mais que la mort n'a pourtant voulu lui soumettre. A-t-il donc réellement commis ce crime infernal pour se retrouver ainsi en enfer ? Ou n'est-il donc vraiment que la pure invention d'un esprit torturé ? Son corps ne semble nullement porter les traces de sa veine lutte. Tout comme son habit n'est nullement déchiré. Propre à celui qu'il était jour après jour.

Depuis qu'il a rouvert les yeux sur cette nouvelle terre, des centaines de questions viennent à lui tarauder l'esprit. Seul, assis dans ces bois qu'il ne reconnaît pas, il sent que son esprit et son âme s'est égaré en chemin. Ne cherchant pas à prier un Père qui n'a peut-être lui non plus jamais existé. Comment pourrait-il le savoir? Il y a sûrement des citoyens qu'il pourrait questionner, mais il ne se sent pas le courage d'affronter cette nouvelle réalité dans ces circonstances et sur l'instant. Pourtant il sait, au fond de lui, que la réponse au sens de sa vie va être essentiel pour retrouver cet équilibre qu'il avait l'impression d'avoir. Ainsi que d'éviter au mieux la folie...

Cela devait bien faire une heure avancée avant qu'il ne se décide enfin à se lever et se diriger vers la lisière de la forêt. Ne pouvant s'empêcher de penser à ces pauvres âmes qui peut-être elles aussi s'étaient réveillées tout comme lui. Est ce que ... les personnes qu'il connaissait étaient ici, elles aussi ? Se pourrait-il ...

Son esprit s'égara de nouveau, sur ces images passées. Se remémorant cette vie étrange qui fut la sienne. Ces visages qui occupaient son quotidien. Cette gitane qui hantait toutes ces pensées... et si elle était toujours... en "vie"?

Il se stoppa dans sa marche. Marquant un arrêt, nécessaire. Il fixa le sol alors que son cœur ne cessait de battre à tout rompre. Les tempes palpitantes sous la pression. Est ce que la destinée était aussi cruelle pour vouloir lui faire vivre un tel supplice sans jamais y mettre fin ? Est ce qu'on allait lui expliquer qu'il était en enfer? Que tout ceci n'était qu'une bonne farce pour divertir de quelconques créatures diaboliques ?

Il y arrivait déjà. Ce point de non-retour. Cette horrible sensation du sol se dérobant sous ses pas. Le vertige incommensurable de ne savoir toute la vérité sur ce qu'il faisait là. Sur ce qu'il était. Sur ce qu'il était sensé faire. Il ne connaissait même pas le monde autour de lui.

Il amena ses deux mains à sa tête, cherchant à ne pas sombrer dans cette spirale vicieuse dans laquelle il s'enfonçait. Priant enfin en latin son Seigneur de l'aider à trouver le chemin. Ignorant qu'il serait bientôt trouvé par quelqu'un.

L'esprit de Dieu m'a créé, Et le souffle du Tout Puissant m'anime. † Sa prière ne se prolongea pas si longtemps, durant à peine quelques secondes, toutefois il avait l'impression que des centaines de spéculations gardaient sa raison captive. Tout ceci devait fatalement être un fourvoiement. Il n'aurait pu être un être de chair et de sang s'il était réellement une pure invention, caricature presque de cénacle. Est ce qu'il serait véritablement aussi tangible si c'était le cas ? Comment est ce qu'il aurait pu se manifester dans ce monde si cela n'était pas une intervention divine ou obscure ? Les visions de sa mort lui hantaient l'esprit. Tout cela n'était donc que chimère ? Existait-il ?

— Dieu ne vous aidera pas beaucoup, ici. Est-ce que je peux vous rendre service ?

Il réhaussa sa tête alors que dans le même temps il rabaissa ses bras, en entendant cette voix paraître à ses côtés. Son tourment avait été tel qu'il n'avait pas été tout ouïe à la venue de cet individu nouveau. Naturellement, et sans jugement de prime abord, son oeil vint détailler l'homme qu'il avait en face de lui. Son maintien paraissait altier, pourtant sa mine laissait lire quelques traits plus contemplatif. Cet homme n'était clairement pas un prolétaire. Mais une personne de raison. Sans doute pourrait il mieux alors comprendre la situation dans laquelle il figurait. Même si les mots n'atteignirent pas ses lèvres avant quelques secondes.

— Est-ce réel ? Tout ceci ? Est-ce que je le suis ?

Il osa convoiter une réponse juste, et sans détour. Une réponse qui lui procurerait soulagement immédiat. Même si au fond de lui, il savait qu'une telle chose était impossible. C'était comme désirer soigner de blessures mortelles. Seulement, puisqu'il se trouvait sans doute ressuscité, n'avait-il point le droit d'espérer ? En même temps qu'il articula son regard dériva un peu plus haut sur la cime des arbres. De temps à autre ébloui par les quelques rayons qui passaient entre les feuillages. Obtiendrait-il ce qu'il attendait ? Rien n'était moins sûr. Qu'adviendrait-il si la réplique ne lui convenait pas ? Claude n'était pas sûr qu'on puisse l'aider. Ou seulement désirait-il être conforté dans des raisonnements erronés mais rassurants ?

Malgré son désarroi total face à une telle situation, oui il était au moins sûr d'une chose : il savait que la seule manière dont il puisse se sortir de ce maelström c'était de nier en bloc. Tout dépendrait à présent, de ce qu'on lui dirait exactement.